jeudi 4 novembre 2010

Chocs des titans de l'internet chinois...

L’industrie des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication – ce qui regroupe plus ou moins toutes les entreprises d’informatique, électronique et télécoms) est en général un univers feutré, dans lequel les affrontements entre mastodontes restent courtoises – au point que les quelques piques de Steve Jobs contre Adobe ou de Larry Ellison contre tout un chacun font la une des journaux spécialisés. On se lance des procès réciproques pour violation de brevets, on s’achète et se rachète, mais tout cela reste finalement assez transparent pour l’utilisateur final.

La Chine est, dans ce domaine, un monde à elle toute seule, avec bon nombre d’entreprises de taille comparable à leurs homologues américains (l’Europe est en général hors du coup dans ce domaine) ne vivant que du marché intérieur : si Lenovo est un peu connu pour avoir racheté l’activité PC d’IBM, qui en-dehors de l’Empire du Milieu a entendu parler de Baidu, Sina, 360, Xunlei, Renren, Taobao ou Tencent ? La plupart de ces mastodontes comptent pourtant des centaines de millions d’utilisateurs et de clients. Et n’ont pas exactement les meilleurs rapports du monde.

A ma droite à l’heure actuelle nous avons donc Tencent, particulièrement connu pour son programme de messagerie instantanée QQ, dérivé de l’ancêtre ICQ. C’est de très loin le client de messagerie instantanée préféré en Chine, je ne crois pas avoir rencontré quelqu’un qui n’ait un compte QQ (d’ailleurs souvent considéré comme l’un des meilleurs moyens de drague lorsqu’assisté par un traducteur automatique… mais je m’écarte du sujet). L’une des particularités de QQ est d’avoir réussi à monétiser tout un tas de service qui sont gratuits chez l’ensemble de ses équivalents (l’utilisation d’avatar, la création de groupes d’utilisateurs partageant un espace disque, etc.) Ajouter à cela une plateforme de jeu online, un univers virtuel à la Second Life (avec sa propre monnaie, le Q, équivalent à 1 RMB), un réseau social, des services de streaming peer-to-peer (en Chine le p2p est une technologie très développée), et vous obtenez une entreprises de dix ans d’âge comptant un milliard de clients.

 
A ma gauche, 360, éditeur d’un logiciel anti-virus, anti-spyware, anti-trojan extrêmement populaire – 300 millions d’utilisateurs en Chine continentale. Egalement éditeur d’un navigateur web très utilisé (et oui, il n’y a pas qu’IE, Firefox, Chrome et Safari…)


Tout a commencé en septembre dernier, lorsque 360 a publié un bulletin d’alerte indiquant que le service de messagerie de QQ scannait le disque dur de tous les utilisateurs et en extrayaient des infos confidentielles pour les renvoyer à la maison mère. Les injures ont commencé à pleuvoir entre les deux compagnies.

La tension est montée d’un cran la semaine dernière lorsqu’une mise à jour du 360 Scanner a commencé à bloquer l’accès aux sites web de QQ. Dans la foulée, une mise à jour assez violente de QQ affiche en plein écran des messages dénonçant 360, et désactivant la messagerie chez tous les utilisateurs de cet anti-virus. Les malheureux netizens sont alors sommés de choisir : laisser tomber la sécurité (360 est un outil très fiable) ou bien ne plus pouvoir chatter avec ses amis (QQ étant la messagerie par excellence). Pendant ce temps-là, les concurrents divers et variés (MSN Messenger, Kaspersky, etc.) fourbissent leurs armes et proposent des solutions alternatives à tous ceux dont le bureau est transformé en champ de bataille, etc. Chacune des sociétés prépare dans son coin sa propre alternative à l’autre, et les

Les échanges au boulot peuvent aussi être assez saignants entre les pro-QQ et les pro-360…

Aux dernières nouvelles, les choses sont en train de rentrer dans l’ordre…

mercredi 20 octobre 2010

Vivre!

  Une fois n’est pas coutume, je vais parler bouquin plutôt que voyage. Je n’en ai malheureusement plus trop l’occasion vu le nombre limité d’ouvrages en français (c’est un peu mieux en anglais, mais tout de même peu glorieux) disponibles dans les librairies étrangères de Pékin.

A ce sujet j’avoue attendre avec impatience le déferlement de tablettes qui s’annonce pour l’an prochain afin de commencer à rattraper mon retard à coup de livres électroniques… tout en continuant à remplir mes malheureuses bibliothèques.

Vivre!, de Yu Hua est l’histoire d’un Chinois, héritier d’une famille sur le déclin au milieu du XXème siècle. Criblé de dette, il devra abandonner sa terre, ce qui lui vaudra d’éviter d’être exécuté lorsque les communistes gagnent la guerre civile. Le roman raconte sa vie au travers des tragédies personnelle et de l’histoire chinoise du XXème siècle, et de la façon dont il les traversera.




L’ouvrage m’avait été conseillé par une amie chinoise. S’il se lit avec plaisir, ce n’est pas tant l’histoire ou le style qui est intéressant, mais plutôt ce qu’il révèle de la mentalité (je n’aime pas ce mot mais j’ai du mal à trouver mieux – sagesse populaire me semble trop pompeux) chinoise, notamment par rapport à l’occident européen (interprétation très personnelle en vue, attention les yeux).

Le plus important est de vivre, de survivre et de rebâtir, quel qu’en soit le prix. Mieux vaut vivre dans la misère que de mourir dans l’opulence. Ca se sent dans les économies de bout de chandelles pour permettre de payer les futurs frais d’hôpitaux, dans la façon de saisir toutes les opportunités de développer un guanxi (un réseau de connaissance qui pourront être utiles à n’importe quel moment), dans la pression sur les enfants pour qu’ils réussissent leurs études et permettent d’entretenir leur parents plus tard (à ce sujet, ce billet est très intéressant dans ce qu’il révèle sur la fin des petits empereurs).

L’Europe de l’Ouest d’après-guerre a généralement vécu une période heureuse : les Trente Glorieuses pour nos aînés, et bien que le futur de ma génération n’incite pas à l’optimisme, nous restons quand même des privilégiés (même si ça se dégrade très vite). Certains de mes collègues, ingénieurs en télécommunications (équivalent à 6 ans d’étude après le bac, sélectionnés parmi les 15 meilleures universités de Chine), doivent partager une chambre de 10 mètres carrés à une heure et demi du boulot : même s’ils font partie de cette catégorie de Chinois qu’on appelle les « hommes-fourmis » (蚁族) ce sont tout de même des veinards… Comparés aux centaines de millions d’ouvriers qui vivent dans des dortoirs chez Foxconn ou dans des préfabriqués à côté des gratte-ciels qu’ils construisent, ou aux paysans qui luttent contre la sécheresse dans les régions arides de Chine et dont l’eau est souvent prélevée pour alimenter les grandes villes (quand elle n’est pas polluée par les usines).

Bref, même si on nous bassine souvent avec la puissance grandissante de la Chine (indiscutable, que ce soit économiquement, militairement, diplomatiquement), la plupart de ses habitants luttent quand même pour la survie ou pour améliorer des conditions de vie précaires. Une certaine classe, financièrement à l’aise et insouciante, commence à apparaître et dépense follement dans les boutiques de luxe occidentales qui fleurissent dans toutes les grandes villes de Chine… mais ce n’est qu’une minuscule partie de la population, à peu près aussi représentative de la Chine contemporaine que peut l’être la clientèle du Fouquet’s de la France d’aujourd’hui.

Au final, la plupart des Chinois sont pauvres ou ont connu la pauvreté, et luttent pour la garder à distance et se préparer en cas de coup dur – ce qui explique aussi cette tendance à économiser à tout va : il suffit d’un coup du sort (un renversement politique de plus, une catastrophe naturelle, la maladie d’un proche dont les frais d’hôpitaux seront délirants) pour que tout parte en fumée, et cette conscience de la fragilité est bien plus présente en Chine qu’en occident...

lundi 11 octobre 2010

Jiayuguan, au bout de la Grande Muraille

  Je vous parlais il n’y a pas si longtemps de la première grande muraille, construite au début de notre ère. Pour être plus précis, les premiers murs furent construits à l’époque des Royaumes Combattants (pour une petite piqure de rappel, c’est par ) avant d’être unifiés en une muraille continue sous le Premier Empereur. Les parcelles les plus occidentales, notamment celles du Gansu, furent construites quelques siècles plus tard, sous les Han.
  A la suite des nombreuses invasions et guerres civiles qui parsemèrent l’histoire du pays, la muraille tomba en désuétude – elle n’appartenait déjà plus à l’Empire sous les Song, au XIème siècle.
La Grande Muraille à Pékin
  Après la domination mongole et la révolte paysanne qui s’ensuivit, le pays fut dirigé par les Ming. Les menaces d’invasions (manchoues et mongoles) ainsi qu’une certaine folie des grandeurs poussèrent Hongwu, le premier empereur Ming, à reconstruire la Grande Muraille aux frontières de l’empire, cette fois-ci non plus en terre, mais directement en pierre. Projet pharaonique (on parle ici de plusieurs milliers de kilomètres de muraille) au coût gigantesque, qui assura néanmoins la survie de l’Empire durant trois siècles (pour l’histoire, la chute de l’Empire aux mains des Manchous fut également due aux révoltes paysannes simultanées, ainsi qu’à la rébellion d’un des plus grands généraux de l’époque).

Grande Muraille dans le Gansu
  A l’Est, la Grande Muraille plonge dans la Mer de Chine, en un lieu appelé Shanhaiguan (山海关, la Passe de la Montagne et de la Mer), que je compte bien visiter un de ces jours.

Grande muraille à Jiayuguan
  A l’Ouest, la Muraille se traverse une grande partie de la Mongolie intérieure, jusqu’au Gansu. La première véritable passe se nomme Jiayuguan (嘉峪关, la Passe de l’Excellente Vallée – traduction un peu sommaire). Construite donc au XIVème siècle et récemment restaurée, c’est une véritable forteresse au milieu du désert. Les tours, similaires à celles qu’on peut observer au nord de Pékin, sont recouvertes par les sables. Paysage désolé et tellement impressionnant.

Forteresse de Jiayuguan
Porte de la forteresse
  A part ça, au cas où vous n’auriez pas remarqué, la plupart de mes billets sont désormais géotaggés, donc vous pouvez cliquer juste en-dessous pour avoir une petite idée de la position des lieux sous Google Maps.

La dernière stèle - l'extrémité ouest de la Grande Muraille

dimanche 10 octobre 2010

Transloid, ma première application Android

J'ai commencé ces derniers temps à regarder très sérieusement le développement d'applications pour Android (notamment pour faire joujou avec mon petit Desire acheté il y a quelques mois). Pour quelqu'un qui n'a quasiment jamais touché à du développement embarqué, le framework s'avère relativement simple et très puissant. Une fois passé la série de Hello World et autres bloc-note, je me suis donc un peu lâché.

Ca reste encore assez primitif, mais j'ai écrit un petit programme de traduction chinois->anglais. Rien de très compliqué, je me contente juste d'accéder aux APIs de Google Translate pour la traduction (et j'ai choisi l'anglais par défaut comme langue de traduction car je préfère voir saccager le pâtois d'Albion plutôt que ma douce langue natale) et d'afficher le résultat. Le cas d'utilisation est quelque chose qui m'arrive couramment: je reçois un SMS en chinois que je ne comprends que partiellement (ou pas du tout, soyons honnête), je fais un copier/coller dans l'application, je presse un bouton et une traduction plus ou moins correcte s'affiche.

Je n'ai pas encore de compte pour déployer l'application sur le Market Android, ce qui ne saurait tarder, mais les geeks insensés utilisateurs intéressés peuvent toujours la télécharger , ou utiliser un lecteur de code-barre: 


Par contre je n'ai pas encore trouvé de bonne méthode pour écrire en chinois dans l'émulateur (tous mes tests ont été fait directement sur le mobile), donc si jamais un expert dans le domaine passe dans le coin, je serais heureux d'avoir son avis.

dimanche 3 octobre 2010

Dunhuang, Cité des Sables

  Le début du voyage au Gansu représenta beaucoup de transports. Tout d'abord l'avion de Pékin à Lanzhou, la capitale provinciale. De jour, l'arrivée est impressionnante: collines arides à pertesde vue, sur lesquelles ondulent quelques routes balayées par le sable et la poussière. Tout est éclatant sous le soleil, et sec à n'en plus finir. L'heure de bus entre l'aéroport et la ville elle-même n'est qu'une successions de reliefs de sable et de grès, où s'érigent ça et là quelques bâtiments en constructions.

  Lanzhou même est semblable à toutes les villes chinoises: en plein boom immobilier, avec gratte-ciels ultramodernes cotoyant les masures non rénovées depuis cinquante ans. L'air dessèche encore plus rapidement la peau qu'à Pékin. Après un frugal repas de nouilles locales, direction le musée provincial qui abrite les pièces retrouvées le long de la plupart des sites archéologiques.

Ancien entrepot ravitaillant les soldats de la Grande Muraille
  6 heures du soir, départ du train pour Dunhuang, la cité qui m'intéresse le plus pour ce voyage. 14 heures de trajet en perspective, j'ai néanmoins la chance de ne pas avoir de voisin trop bruyant. Livres d'histoire et DS me tiennent compagnie pour une partie de la nuit.
  L'arrivée à Dunhuang est surprenante. Si vous vous êtes déjà arrêtés en TGV à Avignon ou au Creuzot, dans une de ces gares ultra-modernes perdues au milieu de la campagne, vous aurez une idée de mon étonnement: la gare a juste fini d'être construite, chatoyante en diable... et perdue au milieu du désert. Une horde de taxis attend les touristes et les familles, et le chauffeur du mien comprend suffisamment le mandarin pour s'occuper de mes transports pour les jours qui viennent.
  Dunhuang est une cité qui fut construite au 2ème siècle de notre ère, après la victoire de Han Wudi contre les Xiongnu, peuple d'Asie Centrale qui harcelait l'Empire depuis longtemps. Située au bord de l'oasis dite "du croissant de lune", elle s'imposa rapidement comme une étape indispensable sur la route de la soie.

  La ville a certes perdu de son important maintenant, mais elle reste un site touristique très intéressant - avec tout les bons et mauvais côtés que cela implique. On peut notamment faire un tour en chameau vers l'Oasis du Croissant de Lune, spectacle magnifique.

Chameaux dans les dunes de Dunhuang
  Plus au sud, les caves de Mogao sont un haut lieu de la sculpture bouddhiste, et on y trouve l'un des plus grands Bouddhas du monde (second en taille après celui de Leshan). De nombreux manuscrits bouddhistes y furent également découverts au début du XXème, dont beaucoup particulièrement bien conservés.

  A l'Ouest de Dunhuang s'élèvent les portions les plus occidentales de la première Grande Muraille. Il ne reste maintenant plus que quelques murs épars dans le désert, témoignage de l'existence des soldats qui montaient la garde au milieu de nulle part il y a deux millénaires.

Yumenguan
   On trouve encore ici et là des bâtiments ayant mieux survécu à l'usure du temps. Ce bloc de terre et de pierre au milieu du désert se nomme Yumenguan - 玉门关 - la passe de la porte de jade. Il y a des siècles de cela, elle faisait partie intégrante de la Grande Muraille, et était de fait le point d'entrée des marchands dans l'Empire Chinois. 

Ancienne tour de garde
  Enfin, à l'extrême-Ouest de Gansu se trouve la Cité Fantôme. Située à l'emplacement d'un ancien lac (aux temps géologiques), les concrétions rocheuses y ont des formes si étranges que bons nombres de légendes ont couru sur leur origine. C'est désormais l'un des lieux favoris des réalisateurs chinois.

Rocs de la cité fantôme
  La nuit tombe tard à Dunhuang - la Chine n'a qu'un seul fuseau horaire, et la ville est située très à l'ouest - le soleil se couche vers 9 heures du soir au printemps, et les habitants restent  nettement plus tard dans les rues que dans d'autres régions de Chine. Les brochettes dans les rues sont bien entendu au programme, tout comme le marché de nuit proposant artisanat local, fruits secs et ouvrages sur l'histoire des environs...

mercredi 29 septembre 2010

Congés des fêtes de la Lune et Nationale

L'approche des jours de congés officiels est souvent source de complication en Chine. Les gouvernements locaux ou centraux veulent en général pousser les gens à faire du tourisme et à consommer. A cette fin, ils s'arrangent pour que chaque employé puisse avoir plusieurs jours de congés à la suite pour visiter tel ou tel ville ou région qui a misé toute son économie sur le tourisme.

En France, nous utilisons la méthode bien connue des ponts: si le jour de congé tombe un mardi ou un jeudi, on ferme les entreprises et les administrations un jour de plus. En Chine, hors de question de baisser la production et autre, et les ponts sont créés en faisant travailler tout le monde le week-end précédent ou suivant. Ca ne se passe en général pas trop mal.

Cette année par contre, la fête de la Lune tombant un mercredi, la plannification des vacances fut des plus hasardeuses. Le résultat est en général assez difficile à comprendre pour le pékin moyen (ça fait deux ans que j'attendais de la sortir celle-là), et la plupart de mes collègues français continuent à se demander quand nous travaillons et quand nous nous reposons.

Voilà pourquoi bon nombre de calendriers plus ou moins débiles ont fleuri sur la toile chinoise expliquant tout ça... (oui, il y a deux dimanches travaillés, deux samedi travaillés, mais ça permet d'avoir 3 jours de vacance pour la fête de la Lune et 7 pour la fête nationale).

Par exemple:



Ou encore, subtilité oblige (mais même pas complètement exact, nous avons quand même eu un jour de repos le 18):




PS: ce billet a été inspiré de chinasmack.

dimanche 26 septembre 2010

Gansu, le long de la route de la soie...

  Située au nord-ouest de la Chine, juste à côté du Xinjiang, le Gansu fait partie de ces provinces fort peu connues des laowais. Aride, peuplée de montagnes au sud et recouverte par le désert de Gobi au nord-ouest, cette région fut longtemps la frontière occidentale de la Chine. Le corridor du Hexi, en son centre, était l’une des étapes majeures de la route de la soie : les derniers kilomètres pour les marchands européens, levantins ou perses qui se rendaient jusqu’à Xi’an pour commercer avec l’Empire du Milieu.
Caves de Mogao
  Le centre du Gansu fit partie très tôt de l’Empire, et on y retrouve notamment les restes de la première grande muraille, dont cette partie fut construite sous les Han. Perdu au milieu des dunes, on peut encore observer ça et là quelques murs de terre tassée ayant traversés les siècles.

Vestige de la grande muraille des Han - le mur s'élève à deux mètres
  De par sa position, entourée du Xinjiang ouighour à l’ouest, de la Mongolie Intérieure et du Ningxia au nord, du Qinghai tibétain au sud-ouest, ainsi que des provinces Hans du Sichuan ou du Shaanxi, le Gansu est une étrange mosaïque de culture. On y voit aussi bien mosquées (dont l’architecture est principalement arabe, au contraire de ce qu’on peut trouver à Xi’An) et temples classiques que caves bouddhistes d’inspiration tibétaine - le Gansu fit longtemps partie de l’Empire Tibétain, du déclin des Tang jusqu’à l’invasion mongole. Les pagodes s’élèvent parfois des oasis du désert de Gobi, tandis que se multiplient les sites de fouille archéologique, exhumant autant d’artefacts témoignages du commerce florissant jadis.

Oasis du Croissant de Lune
  Je m'intéresse depuis longtemps à l'histoire de la Route de la Soie, aux récits de voyageurs et aux traités d'érudits parlant des périples de Xi'An à Istambul, aux étapes mythiques sur cette route, aux noms enchanteurs que sont Kashgar ou Samarcande. Je me suis donc rendu dans cette région en avril dernier, durant le festival de Qingming (l'équivalent chinois de la toussaint), de Lanzhou à Dunhuang en passant par Jiayuguan et en m'enfonçant dans le désert de Gobi, le long de ces étapes mythiques.

Le Manu devant Yumenguan, ancien passage obligé sur la Route de la Soie
  Du point de vue gastronomique, le Gansu est à l’image de son statut de carrefour des cultures : il n’existe pas de cuisine du Gansu proprement dite, à l’exception des 兰州拉面 (Nouilles de Lanzhou, un grand bol de soupe contenant nouilles et tranches de bœuf, coûtant 3 kuai dans la plupart des restaurants, et souvent suffisant comme déjeuner). On trouve donc surtout bon nombres de plats des provinces voisines : agneau grillé du Xinjiang, plats épicés d’inspiration sichuanaise, etc. 

Forteresse de Jiayuguan, sur la grande muraille Ming
  La plus grande surprise pour moi fut la découverte de tout un assortiment de vins produits dans les environs (Ningxia, Qinghai et Xinjiang) dont je n’avais jamais entendu parler depuis mon arrivée en Chine : vin de glace (similaire au vin jaune du Jura), vins doux à base de baies, etc – à mon retour à Pékin, je me suis d’ailleurs rendu compte que la plupart des Chinois et des expatriés n’avaient jamais non plus entendu parler de ces breuvages.

samedi 25 septembre 2010

Taishan, le pic de l'Est

  Taishan (ou 泰山 pour les sinophiles) est l’une des cinq montagnes sacrées chinoises. Située au sud-est du Shandong, elle est considérée comme la plus importante des cinq, car située à l’Est et symbolisant l’aurore et le renouveau. 


Temples du Taishan
  Dans la tradition chinoise, l’Empereur est censé avoir reçu un mandat du ciel pour diriger l’Empire. Il est donc tenu de rendre compte aux Dieux de son action. Cette tradition fut instituée par le premier empereur, Qin Shi Huang. Elle ne fut suivie que par cinq empereurs par la suite.
Deux raisons à cela. D’une part, le pèlerinage jusqu’au Taishan est un voyage éprouvant – un millier de kilomètres jusqu’à Xi’an, sans oublier l’ascension périlleuse. D’autre part rares furent les empereurs ayant la conviction (ou l’arrogance) de s’être correctement acquitté de leur tâche.
  Pour les personnes intéressées, qui voudraient se replonger un peu dans l'histoire chinoise, les empereurs en question furent:
  • Han Wudi, qui fut l'un des grands artisans de l'expansion chinoise, et repoussa sans cesse les raids des nomades d'Asie Centrale
  • Han Guangwudi, brillant stratège qui reconstruisit l'Empire après la chute des Han de l'Ouest
  • Tang Gaozong, l'époux de Wu Zhetian (qui s'y rendit d'ailleurs avec son épouse)
  • Tang Xuanzong, qui conduisit l'Empire à son apogée, mais fut aussi responsable de son déclin en donnant trop de pouvoir aux gouverneurs militaires
  • Song Zhenzong, qui consolida le pouvoir de l'Empire après des siècles de guerre civile, mais signa également les traités qui conduisirent à la soumission progressive de l'Empire aux Khitans

Tablette impériale
  La montagne elle-même culmine à plus de 1500 mètres, au pic de l’Empereur de Jade. Il s’agit néanmoins de la seule montagne dans une région de plaine et de petites collines, ce qui la rend impressionnante dans le paysage. Au pied de la montagne se trouve un temple, comprenant notamment le Palais du Don du Ciel, l’un des trois bâtiments majeurs de l’architecture chinoise. Nombreux sont les pèlerins ou simples touristes qui s’y rendent encore aujourd’hui pour y brûler les premiers bâtons d’encens du trajet. Tous les empereurs ayant eu le courage de monter en haut du Taishan ont eu à cœur par la suite d’y imposer leur marque, par des tablettes sur lesquels étaient relatés leurs hauts faits.
 

Palais du Don du Ciel
L’ascension elle-même est spectaculaire et éprouvante. Des kilomètres d’escaliers, parfois au bord du vide, ponctués d’oratoires devant lesquels prient les pèlerins. Petit détail coquin : il est interdit de transporter briquets ou allumettes, soit disant pour protéger la forêt et empêcher les incendies. Les bâtonnets d’encens sont donc allumés par le personnel touristique…moyennant finance à chaque arrêt.

Inscriptions à flanc de montagne
  Arrivé au sommet, bon nombre de temples et de restaurants attendent le voyageur fourbu, qui peut apprécier enfin la vue sur l’ensemble de la région. 

Vue du sommet
  L’hébergement au sommet est des plus spartiates généralement. Je me suis retrouvé par un étrange concours de circonstance à dormir dans un des camps de l’armée de l’air, au sommet de la montagne. Une nuit d’hiver au sommet d’une montagne après une longue ascension, sans chauffage ni eau courante est une expérience éprouvante.

J'ai bien dit, base de l'armée de l'air...
  Le petit matin est l’occasion d’assister au lever du soleil du haut du pic de l’Est. Expérience quelque peu dangereuse, puisqu’il faut affronter de nouveaux les marches couvertes de givre et le vent parfois violent. Mais la vue compense bien toutes ces péripéties.

Lever de soleil depuis le Pic de l'Empereur de Jade
  Quelques petites informations pratiques pour les téméraires qui voudraient tenter l’expérience et se retrouverait sur cette page via Google ;) Il existe des trains directs depuis Shanghai et Pékin (les trains rapides type D mettent 3 heures et demi pour le trajet depuis Pékin, 7 heures depuis Shanghai). La destination est Tai’an (泰安), ville située au pied du mont. Le bus numéro 3 vous amène au temple. Un bus relie l’entrée du temple et le mi-sommet. Un télécabine, particulièrement impressionnant, part de là jusqu’au sommet (utile notamment pour éviter de redescendre par les escaliers). Comme souvent en Chine, l’accès à la montagne est payant, de l’ordre de 140 yuans en haute saison et 120 en basse saison (de début janvier à mi-février… très courte basse saison).

  Et pour ceux qui se posaient la question, les cinq montagnes sacrées chinoises n’ont rien à voir avec les Cinq Pics sur lesquels veille le vieux maître et où Shiryu remporte l’armure du dragon. La montagne en question existe réellement, mais se nomme Lu Shan (庐山) et se trouve dans le Jiangxi à mille kilomètres au sud (et pour plus d’information, c’est par là : http://fr.wikipedia.org/wiki/Lu_Shan)

mardi 13 juillet 2010

Ch'tite mise à jour

  Juste un petit billet en passant pour dire que je pars demain pour les Carpates (enfin, la frontière). Je vais passer un mois à Timisoara (Roumanie) pour le boulot, avec à la clé quelques petites balades je l'espère vers Sighisoara (la ville natale de Vlad Tepes), et Constanta (sur la Mer Noire).

lundi 3 mai 2010

Qufu, berceau du confucianisme

  Après un long silence (mais mes lecteurs commencent à en avoir l’habitude), voici la suite de mes pérégrinations dans le Shandong.

  Située au sud-ouest de la province, Qufu est le genre de ville dont l’importance politique et économique actuelle est presque nulle, mais qui influença profondément la Chine il y a bien des siècles de cela.

  C’est en effet la cité où vécut Confucius, l’un des penseurs fondamentaux de la Chine ancienne, dont l’influence se fit sentir des millénaires durant. La ville elle-même fut un témoin de la faveur qu’accordaient les puissants au confucianisme au cours des siècles : souvent splendide, parfois tombée en désuétude.

Portes de la ville conduisant au Temple
  Signe des temps : il n’y a pas de véritable gare à Qufu, et l’arrêt de bus réservé semble désert, en pleine campagne. A peine un ou deux taxi en attente des touristes qui pourraient explorer la vieille ville.

  La ville elle-même est encore entourée de remparts – encore étant un bien grand mot, les murs originels ont été détruits il y a trente ans de ça pour les besoins du développement, et reconstruits pour ceux du tourisme (merci le guide bleu pour l’info). Organisée autour du temple de Confucius et de la demeure de sa famille, elle dégage un parfum antique qui tranche avec les excursions précédentes. 

Remparts de Qufu
  L'amateur éclairé ou le voyageur de passage peuvent se plonger dans les délices des anciens temples. L'une des particularité de Qudu est d'être le seul endroit où soit dressé une statue de Confucius en son temple. S'il existe en effet quelques autres temples dédiés au Maître dans le reste de la Chine (les Pékinois connaissent par exemple celui qui se dresse au milieu des hutongs, à mi-chemin entre le temple des Lamas et la salle des examens nationaux), les empereurs ont toujours interdit l'érection d'autres statues, afin d'éviter le développement trop important d'un culte qui pourrait nuire à leur légitimité.

Entrée du Temple de Confucius
    Deux parties du temples valent le coup d'oeil. D'une part, les fameuses colonnes sculptées de dragons présentes dans la cour centrale. Le travail est d'une rare précision, et ces colonnes étaient en général recouvertes de bâches ou de couvertures lors de la venue des plus hauts dignitaires, afin de ne pas laisser transparaître la richesse du culte - Fouquet aurait pu en prendre de la graine.

Détail des colonnes du temple
  Par ailleurs, la Salle de la Grande Clarté est l'un des trois temples de plus haut rang dans la Chine antique, au côté du Palais de l'Harmonie Suprême dans la cité interdite et du Temple du Don du Ciel au pied du Pic de l'Est.

Salle de la Grande Clarté
  La demeure de la famille du Grand Sage peut également être visitée. Son état témoigne des turpitudes des âges - en partie délabrée, témoignage de l'abandon du confucianisme durant le XXème siècle; en partie refaite, car les branches de la famille sont loin d'être démunies, et le développement intense du tourisme en Chine pousse les gouvernements provinciaux à rénover ou reconstruire complètement le patrimoine historique.

Portes réservées aux officiels
  On trouve notamment des panneaux indiquant les privilèges qui furent attribués à la maisonnée de Confucius par les différents empereurs. Une porte particulière, au milieu de la cour centrale, n'était ouverte qu'aux visiteurs de rang les plus élevés.

Privilèges



vendredi 26 février 2010

Jinan

  Après la petite journée passée dans les rues de Qingdao (et la nuit un peu passée dans les bars... on ne se refait pas, même si la vie nocturne restait calme, Nouvel An oblige), direction Jinan.

L'une des 72 fameuses sources de Jinan
  A priori, aucun Européen (à l'exception sans doute de ma mère qui s'est précipitée sur son guide bleu lorsque je lui ai parlé de mes projets de voyage) n'a jamais entendu parler de cette cité. Capitale du Shandong, c'est l'une des plus anciennes cités de Chine - les fouilles ont permis de découvrir non loin de là des poteries et outils remontant à 4000 ans... le musée dans lequel on peut les admirer était malheureusement fermé, Nouvel An oblige (je me répète là, non?)

Porte vers le Jardin aux Dix Mille Bambous
  Ce fut pendant longtemps un centre culturel important: capitale à l'époque des Royaumes Combattants, centre bouddhique lors de l'introduction de celui-ci en Chine, patrie de bien des poètes sous les Song... puis déclin lors de l'invasion mongole. La ville ne regagna quelque importance qu'au XIXème siècle, en tant que centre de commerce relié à Qingdao par l'une des premières voies ferrées chinoises.

Li Qingzhao, une fameuse poète Song originaire de Jinan
  Située non loin du Fleuve Jaune (selon la période... le fleuve jaune est connu pour changer fréquemment de cours au fil des ans, et il est arrivé que des villes entières soient submergées par ses crues violentes et ses changements de lit capricieux), c'est aussi une cité fameuse pour ses nombreuses sources. Comme le disait un romancier de l'époque Qing: "Là, chaque famille a sa source, chaque foyer a son saule". Plusieurs parcs sont bâtis autour des différentes sources, que ce soit le parc Baotu (intraduisible), le jardin aux Dix Mille Bambous ou la Fontaine des Cinq Dragons.

Pagode surplombant le Lac de la Grande Clarté
  Jinan est également connue pour le lac de la Grande clarté (Daming hu) - non qu'il soit particulièrement différent des autres lacs chinois - mais l'un des personnages d'une série télé à grand succès d'il y a dix ans se faisait régulièrement passer pour "La princesse de Daminghu" - c'est en tout cas suffisant pour que mes collègues et néanmoins amis chinois rigolent lorsque je leur parle de mon exploration dudit lac.

Parc Baotu
  Petite précision: vous pouvez voir ça et là sur les photos de curieux assemblages, pas particulièrement esthétiques. Ce sont les préparatifs de la fête des Lanternes, qui aura lieu le 28 février (14 jours après le début du Nouvel An) et qui marquera la fin des festivités (et surtout des pétards sous mes fenêtres).

lundi 22 février 2010

Qingdao

  De retour après quelques jours de vacance dans le Shandong, me voilà à nouveau à l'ouvrage sur ce blog.


 
  Ma première journée de voyage fut consacrée à la visite de Qingdao. Principalement connue pour sa bière (la fameuse Tsingtao), Qingdao s'est principalement développée depuis la fin du XIXème siècle, lorsqu'elle est devenue une concession allemande. C'est d'ailleurs de cette époque que date la brasserie éponyme. (Avis aux amateurs: on peut la visiter, mais pas en hiver... comme j'en ai fait la malheureuse expérience). Après la première guerre mondiale et d'âpres négociations entre la Chine et les nations européennes, la concession fut rétrocédée.

Eglise Saint-Pierre, perchée sur l'une des dix collines
  Petite surprise aussi en arrivant à 7 heures du matin à l'auberge de jeunesse: une bière offerte pour chaque nuitée... voilà qui allait bien augurer de la suite.

Bâtisse coloniale
  La ville elle-même rappelle beaucoup Shanghai, sans le hype (peu de clubs branchés, peu d'étrangers; et habitants plus chaleureux) mais avec nettement plus de nature. Bâtie sur dix collines, on y trouve bien peu de vélos. Ville côtière, Qingdao peut aussi s'enorgueillir de jolies plages, où cohabitent pavillons traditionnels et buildings high-tech. C'est aussi dans les environs qu'eurent lieu les épreuves de régate des derniers JO.

Jetée au petit matin
  Beaucoup de bâtiments du temps des concessions sont encore en excellent état - grosse différence par rapport à Shanghai, dans laquelle les maisons coloniales ont été divisées en appartements qui tombent peu à peu en désuétude.

Demeure du gouverneur allemand

Plages...

mardi 16 février 2010

Résurrection...

La nouvelle année (du Tigre) venant juste de commencer, me voilà plein de bonnes résolutions.
Donc pour commencer, essayer de revitaliser un petit peu ce blog à l'abandon. A l'occasion, je parlerai de quelques-uns de mes voyages de l'an dernier (Cambodge, Xi'an, Luoyang). En l'occurence, cette année va commencer un peu mieux que la précédente avec un petit tour à visiter le Shandong (province à mi-chemin de Shanghai et de Pékin). Au programme:
- Qingdao, ancienne colonie allemande, et lieu de production de la fameuse Tsingtao
- Jinan, la cité où chaque foyer a sa source, chaque maison a son saule
- Qufu, la ville natale de Confucius
- Taishan, le pic de l'Est, le plus important des Cinq Pics Sacrés

De quoi bien s'amuser en perspective :)