mercredi 29 septembre 2010

Congés des fêtes de la Lune et Nationale

L'approche des jours de congés officiels est souvent source de complication en Chine. Les gouvernements locaux ou centraux veulent en général pousser les gens à faire du tourisme et à consommer. A cette fin, ils s'arrangent pour que chaque employé puisse avoir plusieurs jours de congés à la suite pour visiter tel ou tel ville ou région qui a misé toute son économie sur le tourisme.

En France, nous utilisons la méthode bien connue des ponts: si le jour de congé tombe un mardi ou un jeudi, on ferme les entreprises et les administrations un jour de plus. En Chine, hors de question de baisser la production et autre, et les ponts sont créés en faisant travailler tout le monde le week-end précédent ou suivant. Ca ne se passe en général pas trop mal.

Cette année par contre, la fête de la Lune tombant un mercredi, la plannification des vacances fut des plus hasardeuses. Le résultat est en général assez difficile à comprendre pour le pékin moyen (ça fait deux ans que j'attendais de la sortir celle-là), et la plupart de mes collègues français continuent à se demander quand nous travaillons et quand nous nous reposons.

Voilà pourquoi bon nombre de calendriers plus ou moins débiles ont fleuri sur la toile chinoise expliquant tout ça... (oui, il y a deux dimanches travaillés, deux samedi travaillés, mais ça permet d'avoir 3 jours de vacance pour la fête de la Lune et 7 pour la fête nationale).

Par exemple:



Ou encore, subtilité oblige (mais même pas complètement exact, nous avons quand même eu un jour de repos le 18):




PS: ce billet a été inspiré de chinasmack.

dimanche 26 septembre 2010

Gansu, le long de la route de la soie...

  Située au nord-ouest de la Chine, juste à côté du Xinjiang, le Gansu fait partie de ces provinces fort peu connues des laowais. Aride, peuplée de montagnes au sud et recouverte par le désert de Gobi au nord-ouest, cette région fut longtemps la frontière occidentale de la Chine. Le corridor du Hexi, en son centre, était l’une des étapes majeures de la route de la soie : les derniers kilomètres pour les marchands européens, levantins ou perses qui se rendaient jusqu’à Xi’an pour commercer avec l’Empire du Milieu.
Caves de Mogao
  Le centre du Gansu fit partie très tôt de l’Empire, et on y retrouve notamment les restes de la première grande muraille, dont cette partie fut construite sous les Han. Perdu au milieu des dunes, on peut encore observer ça et là quelques murs de terre tassée ayant traversés les siècles.

Vestige de la grande muraille des Han - le mur s'élève à deux mètres
  De par sa position, entourée du Xinjiang ouighour à l’ouest, de la Mongolie Intérieure et du Ningxia au nord, du Qinghai tibétain au sud-ouest, ainsi que des provinces Hans du Sichuan ou du Shaanxi, le Gansu est une étrange mosaïque de culture. On y voit aussi bien mosquées (dont l’architecture est principalement arabe, au contraire de ce qu’on peut trouver à Xi’An) et temples classiques que caves bouddhistes d’inspiration tibétaine - le Gansu fit longtemps partie de l’Empire Tibétain, du déclin des Tang jusqu’à l’invasion mongole. Les pagodes s’élèvent parfois des oasis du désert de Gobi, tandis que se multiplient les sites de fouille archéologique, exhumant autant d’artefacts témoignages du commerce florissant jadis.

Oasis du Croissant de Lune
  Je m'intéresse depuis longtemps à l'histoire de la Route de la Soie, aux récits de voyageurs et aux traités d'érudits parlant des périples de Xi'An à Istambul, aux étapes mythiques sur cette route, aux noms enchanteurs que sont Kashgar ou Samarcande. Je me suis donc rendu dans cette région en avril dernier, durant le festival de Qingming (l'équivalent chinois de la toussaint), de Lanzhou à Dunhuang en passant par Jiayuguan et en m'enfonçant dans le désert de Gobi, le long de ces étapes mythiques.

Le Manu devant Yumenguan, ancien passage obligé sur la Route de la Soie
  Du point de vue gastronomique, le Gansu est à l’image de son statut de carrefour des cultures : il n’existe pas de cuisine du Gansu proprement dite, à l’exception des 兰州拉面 (Nouilles de Lanzhou, un grand bol de soupe contenant nouilles et tranches de bœuf, coûtant 3 kuai dans la plupart des restaurants, et souvent suffisant comme déjeuner). On trouve donc surtout bon nombres de plats des provinces voisines : agneau grillé du Xinjiang, plats épicés d’inspiration sichuanaise, etc. 

Forteresse de Jiayuguan, sur la grande muraille Ming
  La plus grande surprise pour moi fut la découverte de tout un assortiment de vins produits dans les environs (Ningxia, Qinghai et Xinjiang) dont je n’avais jamais entendu parler depuis mon arrivée en Chine : vin de glace (similaire au vin jaune du Jura), vins doux à base de baies, etc – à mon retour à Pékin, je me suis d’ailleurs rendu compte que la plupart des Chinois et des expatriés n’avaient jamais non plus entendu parler de ces breuvages.

samedi 25 septembre 2010

Taishan, le pic de l'Est

  Taishan (ou 泰山 pour les sinophiles) est l’une des cinq montagnes sacrées chinoises. Située au sud-est du Shandong, elle est considérée comme la plus importante des cinq, car située à l’Est et symbolisant l’aurore et le renouveau. 


Temples du Taishan
  Dans la tradition chinoise, l’Empereur est censé avoir reçu un mandat du ciel pour diriger l’Empire. Il est donc tenu de rendre compte aux Dieux de son action. Cette tradition fut instituée par le premier empereur, Qin Shi Huang. Elle ne fut suivie que par cinq empereurs par la suite.
Deux raisons à cela. D’une part, le pèlerinage jusqu’au Taishan est un voyage éprouvant – un millier de kilomètres jusqu’à Xi’an, sans oublier l’ascension périlleuse. D’autre part rares furent les empereurs ayant la conviction (ou l’arrogance) de s’être correctement acquitté de leur tâche.
  Pour les personnes intéressées, qui voudraient se replonger un peu dans l'histoire chinoise, les empereurs en question furent:
  • Han Wudi, qui fut l'un des grands artisans de l'expansion chinoise, et repoussa sans cesse les raids des nomades d'Asie Centrale
  • Han Guangwudi, brillant stratège qui reconstruisit l'Empire après la chute des Han de l'Ouest
  • Tang Gaozong, l'époux de Wu Zhetian (qui s'y rendit d'ailleurs avec son épouse)
  • Tang Xuanzong, qui conduisit l'Empire à son apogée, mais fut aussi responsable de son déclin en donnant trop de pouvoir aux gouverneurs militaires
  • Song Zhenzong, qui consolida le pouvoir de l'Empire après des siècles de guerre civile, mais signa également les traités qui conduisirent à la soumission progressive de l'Empire aux Khitans

Tablette impériale
  La montagne elle-même culmine à plus de 1500 mètres, au pic de l’Empereur de Jade. Il s’agit néanmoins de la seule montagne dans une région de plaine et de petites collines, ce qui la rend impressionnante dans le paysage. Au pied de la montagne se trouve un temple, comprenant notamment le Palais du Don du Ciel, l’un des trois bâtiments majeurs de l’architecture chinoise. Nombreux sont les pèlerins ou simples touristes qui s’y rendent encore aujourd’hui pour y brûler les premiers bâtons d’encens du trajet. Tous les empereurs ayant eu le courage de monter en haut du Taishan ont eu à cœur par la suite d’y imposer leur marque, par des tablettes sur lesquels étaient relatés leurs hauts faits.
 

Palais du Don du Ciel
L’ascension elle-même est spectaculaire et éprouvante. Des kilomètres d’escaliers, parfois au bord du vide, ponctués d’oratoires devant lesquels prient les pèlerins. Petit détail coquin : il est interdit de transporter briquets ou allumettes, soit disant pour protéger la forêt et empêcher les incendies. Les bâtonnets d’encens sont donc allumés par le personnel touristique…moyennant finance à chaque arrêt.

Inscriptions à flanc de montagne
  Arrivé au sommet, bon nombre de temples et de restaurants attendent le voyageur fourbu, qui peut apprécier enfin la vue sur l’ensemble de la région. 

Vue du sommet
  L’hébergement au sommet est des plus spartiates généralement. Je me suis retrouvé par un étrange concours de circonstance à dormir dans un des camps de l’armée de l’air, au sommet de la montagne. Une nuit d’hiver au sommet d’une montagne après une longue ascension, sans chauffage ni eau courante est une expérience éprouvante.

J'ai bien dit, base de l'armée de l'air...
  Le petit matin est l’occasion d’assister au lever du soleil du haut du pic de l’Est. Expérience quelque peu dangereuse, puisqu’il faut affronter de nouveaux les marches couvertes de givre et le vent parfois violent. Mais la vue compense bien toutes ces péripéties.

Lever de soleil depuis le Pic de l'Empereur de Jade
  Quelques petites informations pratiques pour les téméraires qui voudraient tenter l’expérience et se retrouverait sur cette page via Google ;) Il existe des trains directs depuis Shanghai et Pékin (les trains rapides type D mettent 3 heures et demi pour le trajet depuis Pékin, 7 heures depuis Shanghai). La destination est Tai’an (泰安), ville située au pied du mont. Le bus numéro 3 vous amène au temple. Un bus relie l’entrée du temple et le mi-sommet. Un télécabine, particulièrement impressionnant, part de là jusqu’au sommet (utile notamment pour éviter de redescendre par les escaliers). Comme souvent en Chine, l’accès à la montagne est payant, de l’ordre de 140 yuans en haute saison et 120 en basse saison (de début janvier à mi-février… très courte basse saison).

  Et pour ceux qui se posaient la question, les cinq montagnes sacrées chinoises n’ont rien à voir avec les Cinq Pics sur lesquels veille le vieux maître et où Shiryu remporte l’armure du dragon. La montagne en question existe réellement, mais se nomme Lu Shan (庐山) et se trouve dans le Jiangxi à mille kilomètres au sud (et pour plus d’information, c’est par là : http://fr.wikipedia.org/wiki/Lu_Shan)