vendredi 2 mai 2008

Wu Zetian

En attendant le petit tour dans les environs que je compte faire demain, je vais vous parler d'une charmante damoiselle, Wu Zetian.

Ne commencez surtout pas à vous poser des questions existencielles sur mes amours chinoises, la damoiselle en question vivait au temps des Tang (c'est à dire il y a quelques 1300 ans, ce qui ne nous rajeunit pas, loin de là). Et autant dire qu'elle fut un mélange d'Elizabeth 1ère (celle qui fit trancher la tête de Marie Stuard) et de Lucrèce Borgia. Une réputation d'infamie unique dans l'histoire de Chine, pourtant riche à ce sujet.

J'ai eu l'occasion d'en apprendre un peu plus sur sa vie lors de mon voyage dans le Sichuan quand nous nous sommes retrouvés à Guangyuan, au bout de la route de Shu, à l'intersection du Sichuan, du Shaanxi et du Gansu.

Guangyuan fait partie de ces nombreuses villes chinoises dont on ne connaît que le rôle économique. C'était aussi l'arrivée de la route de Shu, et nous étions donc en attente d'un bus pour revenir à Chengdu. Autant dire qu'on avait une après-midi à tuer. Or Guangyuan est surtout connu pour être la ville natale de Wu Zetian, et un temple lui est donc consacré.

Fille d'un proche de l'empereur Gaozu, premier empereur Tang, elle devint rapidement une des concubines de Taizong, réputé pour avoir été le plus grand empereur de la dynastie Tang. En fait, on considère même ce dernier comme le meilleur empereur chinois, et l'étude de son règne était au programme de tous les héritiers aux cours des dynasties suivantes, qu'ils soient Han (sous les Song, les Ming, et toutes les petites dynasties qui ont pu se disputer le pouvoir pendant les périodes de conflit) ou Mandchous (sous les Qing).

Wu Zetian et Gaozong

A la mort de Taizong, son fils Gaozong lui succéda. Il était déjà marié, et avait comme tout empereur une palanquée de concubines (tout cela était d'ailleurs très institutionnalisé - j'y reviendrais un autre jour). Wu Zetian ayant été une concubine du précédent empereur, et n'ayant pas eu d'enfant, elle était condamnée (suivant la tradition) à devenir nonne bouddhiste - les chrétiens n'étaient pas les seuls à vouloir envoyer les veuves au couvent.

Mais c'était une intrigante de première et, s'immisçant dans la lutte d'influence entre l'épouse de Gaizong et sa première concubine, elle parvient à rester à la cour. Sa sensualité lui valut de devenir très rapidement la favorite de l'empereur, dont elle eut bientôt un fils. Ce dernier mourut, très vraisemblablement à son instigation, et l'impératrice fut pour cela destituéee, puis remplacée par Wu Zetian. Ca vous pose tout de suite le personnage.

Elle prit par la suite peu à peu le pouvoir des mains de son mari, et on considère généralement qu'elle était l'unique dirigeante à la fin du règne de celui-ci. Et les historiens chinois, qui ont le plus souvent beaucoup de mépris pour elle, reconnaissent qu'elle fut une impératrice avisée.
Pendant tout ce temps, elle prit aussi garde à éliminer toute opposition, qu'il s'agisse des conseillers de son époux, des rivales potentielles, ou de la progéniture de ceux qu'elle avait fait exécuter. On retrouve aussi parmi ses victimes deux autres de ses fils qui tentaient de faire preuve d'indépendance à son égard.

Temple de Wu Zetian à Guangyuan

A la mort de son mari, l'un de ses fils, suffisamment docile pour n'être ni exécuté ni exilé, fut couronné empereur, et devint une marionnette dirigée par sa mère. A la mort de ce fils, Wu Zetian se couronna elle-même impératrice, fondant sa dynastie connue sous le nom de Zhou (en référence à l'une des toutes premières dynasties chinoises).

Elle fut ainsi la seule femme de l'histoire de la Chine à porter le titre d'Impératrice Régnante (Cixi, la mère du dernier empereur, régna aussi en temps qu'impératrice, mais ne fut jamais couronnée impératrice régnante). Elle transféra notamment la capitale de Chang'an (maintenant connu sous le nom de Xi'An) à Luoyang. Sa police secrète fit notamment régner la terreur parmi tous ceux qui ne se pliaient pas aveuglément à ses désirs.
Profondément bouddhiste, elle fut à l'origine d'une explosion de l'art bouddhiste à travers la Chine, notamment à Dengfeng, le Pic du Centre. D'autre part, son armée balaya certaines menaces pour l'Empire, notamment les kitans (tribu vivant dans le Nord-Est de la Chine, qui deviendra plus tard maître de Pékin et donnera à la Chine un nom qui perdurera des siècles... Cathay).

Bouddha de l'époque Tang

Elle fut finalement déposée par une conjuration, et l'un de ses fils (oui, elle en eut beaucoup) devint empereur et restaura la dynastie des Tang.

Selon les époques, son image fut diversement utilisée. L'histoire chinoise traditionnelle la dépeint comme une manipulatrice ambitieuse, dévoyée et sans scrupule, tout en reconnaissant ses talents de chef d'état. Mais elle fut également parfois utilisée par des femmes (comme l'épouse de Mao) qui désiraient prendre le pouvoir.

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